Takk, Trondheim. Merci ,Trondheim. |
08.06.2003 |
Bonjour tout le monde.
Julien et moi, nous nous portons bien! Les bons jours de navigation demandés par Julien nous ont permis de voir les côtes défiler, de slalomer entre les îlots, de longer les côtes et d'être bien contents d'avoir un bateau qui a moins de cinquante centimètres de tirant d'eau... Quand le vent se lève, il ne fait pas les choses à moitié, nous faisant bondir par dessus les vagues, qui grossissent au fil des heures, jusqu'à atteindre un bon mètre. "Fenrir" se comporte très bien, il réagit au quart de tour à la barre.
Alors que nous allions arriver dans le fjord menant à Trondheim, le vent était tombé et nous nous préparions à ramer, quand une tête surgit de l'eau, à quelques mètres de nous, nous observant plusieurs secondes sans bouger. Nous étions aussi surpris et intéressés que le phoque nous regardant dans les yeux. Impressionnant. La première fois que je croise vraiment le regard d'un des multiples habitants de l'Ocean, tellement de compréhension dans ses grands yeux. Avec sa barbe mouillée, il ressemblait à un vieux sage.
Quand nous sommes arrivés dans le fjord, le vent nous a lâchés, et il nous a fallu ramer bien quelques milles avant de trouver un coin abrité pour la nuit. Tout proches de Trondheim, le dernier jour de navigation nous a vu faire une traversée de fjord inutile, essayer de tirer des bords sans pouvoir progresser. La météo annoncait un stiv kulling, avec du vent du sud-ouest, devant tourner à l'ouest dans le fjord, d'après le vieux qui plantait ses fraises non loin du ponton.
Durant le calme avant la tempête, nous avons ramé, profitant de la mer d'huile pour faire quelques milles. Après un petit promontoire, nous apercevons un drakkar dans la brume. Heureux de croiser l'un de nos grands frères, nous baissons la voile et commençons à ramer comme des fous dans sa direction. Mais, si l'équipage se met sur babord afin de nous observer, il ne diminue pas la vitesse de leur moteur, n'infléchissant absolument pas leur route. Après quelques minutes d'efforts, voyant leur absence de réaction, nous reprenons notre cap, les laissant disparaître dans la brume.
Une petite brise se lève, nous poussant dans la bonne direction et, en quelque dix minutes, le fjord passe d'un miroir à un fjord tempétueux, nous propulsant à cinq ou six noeuds, un vent de 6 Beaufort par l'arrière. A chaque vague, le bateau veut se mettre de travers et le barreur doit le remettre dans le droit chemin. C'est là qu'il ne faut pas se planter, une seule de ces vagues suffisant amplement à remplir le bateau.
Grâce à cette tempête, nous arrivons en fin d'après-midi à Trondheim, alors que le matin j'écrivais dans mon journal de bord que la ville semblait inaccessible dans la journée...
Au port, notre arrivée ne passe pas inaperçue, car le quai des invités est juste sous le café du port et la terrasse. "Fenrir" semble vraiment petit à côté de tous les monstres modernes qui nous entourent, comme le "Berge Viking", qui a participé à la Whitebred. Nous partons explorer la ville, qui se revèle être verdoyante, de beaux et vieux arbres comme je n'en avais plus vu depuis longtemps. La ville aurait été fondée par Olav Trygvarson, peu avant l'an mil, mais de récentes fouilles archéologiques démontrent un début d'urbanisation dans les décennies précédentes.
L'archevêque de Trondheim semblait un homme important, au vu des multiples et belles églises de pierre qui parsèment la ville. Les maisons sont en bois, toute une partie d'entre elles construites sur pilotis le long du fleuve.
Arrivés le jeudi 6 juin en fin d'après-midi, nous essayons, le vendredi, de jouer en ville, imaginant que la taille de la ville nous permettrait de jouer n'importe quel jour. Bide complet; nous gagnons tout juste de quoi nous nourrir le jour même!
Après avoir essayé en ville, nous partons vers la cathédrale où l'accueil est nettement meilleur; mais il est interdit d'y jouer... Heureusement, un tailleur de pierre en train de restaurer une tombe vient nous chercher, nous amène au bureau, où nous pouvons plaider notre cause et recevoir des entrées gratuites pour les muséees et la cathédrale.
Le tailleur de pierre nous emmène ensuite voir son atelier. Ils y restaurent ou retaillent complètement les statues détruites par l'usure du temps ou par le vandalisme. A côté, des forges; plus loin les vitraux, avec un stock impressionnant d'originaux; des parois entières de casiers remplis de vitraux, qu'ils doivent obscurcir pour ne pas avoir trop de lumière dans la cathédrale. Surprenant de voir que trop de lumière nuit à la visibilité du vitrail.
De retour au port, un peu penaud, je raconte notre tentative infructueuse auprès de la charmante et souriante sommelière du café du port, qui le transmet plus loin et provoque une réaction en chaîne de soutien.
Le samedi, alors que nous jouons en ville - avec succès - les voisins du port se groupent, font une collecte pour nous: des kilos et des kilos de boites de conserves, fruits, légumes, poissons..., de quoi nous nourrir plusieurs semaines, conjointement avec des produits frais.
Au café du port, le samedi soir, un homme orchestre anime le bar et les voisins, toujours préoccupés de notre sort, nous organisent une petite session, faisant tourner un seau à champagne pour la collecte. Jamais cinq minutes de musique n'auront été aussi bien payées...
Julien arrive un peu plus tard, avec des gens du Bikers club, non loin du port, club privé réunissant nombre d'amateurs de motos de la région, "bécanes" et tatouages splendides, barbes tressées d'une longueur carrément impressionnante. Et, pour ceux qui pensent que l'on n'y rencontre que des gros bras avides de bière et de baston, détrompez vous! Pour la bière, oui, bien sûr! Mais l'ambiance est des plus détendues, bon enfant. Nombre de bonnes rencontres avec des gens intéressants...
A l'extérieur, une tente militaire, en forme de yourte, est dressée, avec chauffage à bois; à l'intérieur, jeux de cartes, billard, bar, salon avec canapé confortable, ACDC à fond...
Merci à tous les gens de Trondheim qui nous ont soutenus et encouragés. Arrivés jeudi soir, il est dimanche et nous y sommes toujours... Demain, jeu de plateau, le soir; visite d'atelier de cuir, la journée. Mardi, nous sommes invités à une visite guidée de la ville donnée, en français, par une dame rencontrée au Bikers club.
Visiblement, nous pourrions rester longtemps, mais je crois que l'appel de l'Océan ne va pas tarder à se faire sentir...
A bientôt et meilleures pensées pour la famille et les amis qui nous suivent sur le réseau.
Francois et Julien.
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