Vie quotidienne à Rognan |
24.04.2003 |
Nous avons installé le premier "bidonville" de Rognan, adossé au hangar du fabriquant de bateau. A l'aide de ce qui traînait dans les alentours, poutres, planches, tôles ondulées, le capitaine nous a fabriqué un abri. Le sol est fait de palettes recouvertes de toiles de jute, puis de peaux de moutons et enfin de nos sacs de couchage.
Heureusement que nous les avons! Grâce à eux, les nuits se passent sans problème, alors que nous retrouvons l'eau gelée tous les matins... Maintenant que les vacances de Pâques sont finies, finies les grâces matinées. Les machines de l'atelier se mettent à tourner vers 8 heures, juste derrière la paroi contre laquelle s'appuie notre abri.
Rallumer le feu, faire chauffer l'eau du thé, faire griller le pain sur le feu, nos premières activités avant d'enfiler les bleus de travail - qui fouettent l'huile de lin et la thérébentine à 5 mètres! - et d'aller passer la couche quotidienne. Aujourd'hui, nous en sommes à la treizième...
Après la peinture, nous continuons à utiliser le hangar où sont entreposés les bateaux sur lesquels on travaille pour bricoler différentes choses. Pour ma part, je viens de finir le repoussage du fourreau de cuir de mon épée et j'en suis à la teinture. Viendra ensuite la couture et les finitions.
Julien meule un bout de ferraille pour en faire un couteau dont le manche sera constitué d'un bout d'os à moëlle trouvé sur la plage. En fouillant dans les hangars abandonnés qui entourent le nôtre, il nous a recupéré un fer de hache, d'une découpe typiquement viking; manque le bois dur pour faire le manche. Une vieille chaîne rouillée, désinfectée au feu, nous sert de crémaillère pour suspendre chaudron et cassseroles au-dessus du feu. Un vieux coffre a été remis à neuf par ses soins et nous sert pour ranger les affaires de cuisine et les provisions.
Pour l'instant, nous vivons sur nos réserves mais, samedi, nous faisons notre première sortie en ville pour essayer de gagner quelques sous. Inutile de le faire un autre jour, l'agglomération est trop petite. Le samedi, en revanche, les gens viennent des montagnes environnantes pour faire les courses, voir les amis, prendre des nouvelles.
Dès que le vent est assez présent, nous lâchons tout pour aller naviguer. Voilà bientôt une semaine que nous sortons tous les jours, grâce à Sven, un chasseur-pêcheur-fleuriste du coin qui possède le même bateau que nous. Il est sorti une première fois avec nous, sans voile. Puis il nous a dit que nous pouvions l'utiliser quand nous voulions, ce dont nous ne nous sommes pas privés. Grâce à ses bons conseils et à son matériel, nous avons pêché notre premier torske fish, une grosse bête qui nous a nourri, les deux, pour une journée. L'égorger est un moment difficile, surtout pour le poisson... Ensuite, il faut encore lui ouvrir le ventre pour le vider. Il nous regarde ensuite de ses yeux morts au fond du seau. Un peu morbide, mais "bon, faut bien se nourrir"!
Quelques jours plus tard, après nous avoir laissé ramer un moment, Sven revient pour nous amener la voile et nous montrer comment l'utiliser. Grand succès que cette voile carrée qui nous permet quand même de remonter au vent, pas aussi serré que les bateaux de compétition moderne, mais en tout cas assez pour tirer des bords et avancer dans la direction d'où vient le vent. Mais avec le vent arrière, on met un petit quart d'heure pour faire en sens inverse les deux heures précédentes de navigation...
Nous sortons seuls, depuis plusieurs jours, et les manoeuvres sont maintenant bien claires. Restent sept couches de peinture et une dizaine de jours de séchage... Le grand départ se rapproche, mais à petit pas.
Ces derniers jours, notre quotidien a été transformé par l'arrivée de la presse. Un journaliste local venu nous prendre en photos, pour un article qui paraîtra peut-être samedi. Cela nous aidera certainement à mettre du beurre dans les épinards si les gens du coin savent qui sont ces hurluberlus qui se balladent habillés en vikings à toutes heures du jour et de la nuit.
Hier et aujourd'hui, un caméraman freelance qui prépare un reportage sur nous. Le campement, le bateau, les instruments, des interwiews, en train de peindre...
Il faut que je vous laisse; je n'ai droit qu'à une heure à la bibliothèque locale. Des réfugiés attendent leur tour pour communiquer avec les leurs. C'est d'ailleurs grâce à eux que nous pouvons profiter de ce service gratuit.
Merci pour les messages recus et je maintiens que les harengs devraient trouver une autre technique de protection, ils n'arrêtent pas de se faire bouffer!...
A la prochaine.
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